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Les vélos de ma vie, épisode 1 : le Champion LG70


La vie d’un cycliste ne passe pas à côté du matériel dont il dispose, et il n’est pas rare qu’elle ne se contente pas d’un unique vélo. Et cette affirmation est encore plus vraie pour les passionnés.
Dans mon cas, il est évident que plus d’un vélo ont jalonné mon parcours, et certains ont eu des histoires assez singulières, que je vais donc vous conter.
Le premier épisode de cette série porté sur mon tout premier contact avec un vélo dit « adulte », un modèle vendu en hypermarché, le Champion LG70.

Avant-propos : j’ai possédé ce vélo dans les années 90, à une époque où je ne disposais pas d’un appareil photo, et encore moins d’un smartphone. Forcément, je n’en ai strictement aucun cliché, ce qui fait que cet article sera illustré par des captures issues de LeBonCoin, ce qui sera mentionné, auxquelles s’ajouteront toutefois quelques photos personnelles de composants rescapés.

Le Champion LG70 (capture LeBonCoin)

Les années 90 ont eu cette particularité avoir constitué une décennie formidable pour le marché du VTT en France. Porté par une tendance forte, il attirait les utilisateurs loisir qui cherchaient un vélo à tout faire, apte à servir autant en ville que dans les campagnes, et qui se sont alors mis à s’équiper massivement.
Les hypermarchés tels que Carrefour, Auchan, Leclerc ou Continent, qui, à cette époque, étaient des acteurs majeurs pour tout l’équipement des ménages, et pas uniquement pour l’alimentaire, ont bien évidemment flairé la bonne opportunité et ont consacré des rayons entiers à ce marché dynamique. Et avec des modèles très peu chers, mieux équipés que ceux des grandes marques à gamme équivalente, ils ont réussi à s’accaparer près des 3 quarts des ventes dans leurs meilleures années.

L’est francilien dans lequel j’ai grandi était la zone de chalandise de magasins Carrefour et Continent, et c’est donc en toute logique que le voisinage était largement équipé en VTT Topbike et Champion, les marques respectives de ces enseignes.
Dans une période où j’étais un adolescent davantage à la recherche d’un vélo pour le loisir que d’un matériel destiné à une pratique réellement sportive du VTT, mes échelles de valeur étaient plutôt calquées sur une tendance de groupe où tout le monde cherchait plutôt des modèles abordables, affichés autour des 1000Frs, soit environ 150€ (un chiffre qui ne tient pas compte de l’inflation).
C’est ainsi que mon choix s’est porté sur le Champion LG70, acquit en juillet 1994, un VTT d’entrée de gamme monté autour d’un cadre en acier hi-ten, d’une fourche rigide de la même matière, et un groupe complet Shimano Altus C50, la plus basse après le Tourney, proposant seulement 3×6 vitesses, là où la tendance était aux 7 vitesses à l’arrière.

Photo de la photo du LG70 collée sur le carton d’emballage

Il n’y avait évidemment rien à espérer de ce modèle peu onéreux (1090Frs, soit environ 115€) et lourd (environ 14,5kg, ce qui est énorme pour un rigide), mais je m’en contentais largement, sans me rendre compte de son rendement désastreux, de son confort précaire et de son inaptitude à une pratique sportive. Car pour un collégien à la recherche de son premier vélo, il faisait l’affaire.

Le groupe Shimano Altus C50, l’entrée de gamme 3×6 vitesses du japonais

Fait intéressant : l’Altus C50 n’est guère qu’un rescapé des 4 groupes Altus du millésime 1993, les C20, C10, A20 et A10. Les trois derniers ont été remplacé par l’Alivio, et seul le C20 a été repris, avec quelques évolutions mineures sur les dérailleurs et les manettes SIS au dessus du guidon, sous un nouveau nom.
Certains exemplaires du Champion LG70 se sont même retrouvés avec des manettes Altus C20, quasiment identiques aux C50, ce qui a été le cas du mien.

Les manettes Shimano Altus C20

En parlant des Altus C10, A20 et A10, je lorgnais énormément sur ces groupes qui équipaient les VTT des copains et sur les 21 vitesses qu’ils offraient sur des vélos Topbike ou Rockrider, que je savais supérieurs à mon LG70. En m’y intéressant, je me suis mis à suivre l’évolution de la gamme VTT de Shimano grâce à la presse spécialisée, VTT Mag en tête, ce qui m’a fait prendre encore plus conscience des limites de mon VTT Champion. Deux ans après l’avoir acheté, je me mis alors en tête de viser quelque chose de mieux.

Cependant, absence de budget oblige, il n’était pas encore question de changer de vélo, même si je rêvais de pouvoir m’offrir un Rockrider 340 ou 520 à respectivement 2000 et 3500F (environ 300 et 525€), certes accessibles dans l’absolu, mais inaccessibles pour mes tout petits moyens de lycéen. Alors je décidai d’upgrader le LG70, avec ce que je pouvais trouver d’argent de poche et avec ce que je pouvais dépenser au fur et à mesure.
A cette époque, on ne pouvait guère compter sur les boutiques en ligne, telles que Alltricks, ProBikeShop, et autre Bike-Discount. Mais les grandes surfaces, spécialisées ou non, proposaient des pièces Shimano dans leurs rayons cycles.
Dans le même temps, le groupe Altus C50 disparaît du catalogue Shimano, au profit d’une vraie variante 3×7 vitesses avec cassette et moyeux : l’Altus C90. Mais bien que particulièrement ravi du retour d’un groupe Altus plus proche d’un ex-C10 que d’un basique Tourney, ce ne sera pas le groupe que je retiendrai, en raison de son pédalier : Shimano y introduira une version plus compacte que son Hyperdrive-C, avec une dentition à 24/32/38 au lieu de 24/34/42, destinée à faciliter le pédalage des débutants. Ce qui ne me convenait pas, souhaitant un grand plateau permettant de prendre de la vitesse sur les parties roulantes.

Une alternative intéressante aurait été de panacher l’Altus C90 avec un pédalier et un dérailleur avant Alivio. Mais ces composants n’était pas proposés dans les magasins auxquels j’avais accès, et c’est donc ainsi que la seule évolution que j’ai pu apporter en 1995 aura été le remplacement du dérailleur arrière.
Un remplacement qui a dû nécessiter un petit bricolage au passage, puisque ce nouveau dérailleur était prévu pour une fixation sur patte, ce dont ne disposait pas le cadre du LG70, obligeant à utiliser une dérailleur à fixer sur l’axe de roue.
Pour cela, j’ai tout simplement récupéré la patte de fixation du dérailleur Altus C50, pour la percer et y fixer l’exemplaire C90. Basique, mais efficace.
Ce bricolage sera remplacé plus tard par une vraie patte de cadre, commercialisée par Shimano.

L’année suivante, Shimano met à jour le groupe Altus, qui ne s’appelle plus « C90″… et n’affiche pas de suffixe non plus, d’ailleurs. Ce sera « Altus » tout court. Cette fois, le pédalier Hyperdrive-C se dote de dentitions identiques aux autres groupes avec un grand plateau de 42 dents, enfin !
Mais l’équipementier japonais fait également le choix d’abandonner les manettes Rapidfire Plus au profit d’étranges shifters EZ-Fire. Ces nouveaux modèles fonctionnent un peu comme les manettes sur le guidon, avec un levier à déplacer pour tirer ou relâcher le câble.
Néanmoins, le fonctionnement de ces shifters, dédiés à une utilisation loisir, étaient très loin de me convenir, et ma préférence allait vraiment vers des Rapidfire. A nouveau, le groupe Alivio aurait pu présenter une alternative, mais Shimano avait fait l’autre choix qui ne me convenait pas de ne pas reconduire l’Optical Gear Display, c’est-à-dire l’indicateur de vitesse enclenchée, qui, même s’il n’était pas indispensable, était une option que je tenais à avoir à l’époque.

Alors j’ai dû me contenter de ma transmission 3×6 vitesses encore un petit peu, pensant devoir économiser encore quelques temps dans le but de m’acheter un autre vélo. Jusqu’à ce qu’un beau jour de 1997, je découvre que Shimano a très vite fait évoluer son EZ-Fire : dénomme EZ-Fire Plus, ce premier modèle du genre, portant la référence ST-EF20, dispose d’un levier pour tirer le câble et d’une gâchette pour le relâcher, comme le Rapidfire Plus, mais contraiment à ce dernier, il positionne la gâchette au dessus du guidon.
C’est ce type de manettes qui restera, même à ce jour, la référence dans les groupes d’entrée de gamme, y compris Tourney, et sera même proposé en option sur l’Alivio, même si le Rapidfire Plus s’imposera sur l’Altus et l’Acera à terme.

Les shifters SF-EF20 3×7 vitessses ont donc fini par être installés en premier… sur une transmission 3×6 ! Question de budget… C’est qu’il faut quand même un peu de temps pour, d’une part, réunir assez d’argent de poche, et d’autre part, trouver les pièces à bon prix.
Plus tard, au détour des rayons d’un magasin Carrefour, je finis par trouver un pédalier Altus FC-CT91 et d’un dérailleur avant RD-CT92 E-Type, se fixant dans le boîtier de pédalier. Mais je ne les ai pas installés tout de suite : en effet, la cassette à 6 vitesses d’origine n’était pas destinée à être utilisée avec un pédalier compact, et avec un petit pignon de 14 dents, le plateau de 42 n’aurait pas permis d’atteindre des hautes vélocités.
Il m’a donc fallu impérativement prévoir le remplacement de la cassette… ce qui posait un problème de taille : les modèles 6 vitesses se vissent sur le moyeu, tandis que les modèles 7 vitesses se pose sur des corps de roue-libre. Le changement de roue arrière devenait obligatoire, d’autant que la cassette vissée était très dure à déposer. Et là, le budget nécessaire grimpe.

C’est dans un magasin Décathlon que je fini par trouver la solution à mon problème : je tombe sur une paire de moyeux Shimano Acera-X… car à l’époque, effectivement, on pouvait trouver ce genre de pièce en grande surface spécialisée. Et remplacer uniquement les moyeux revenait bien moins cher que d’acheter des roues complètes.
Ainsi, en démontant les moyeux d’origine du LG70, puis en rayonnant à nouveau les roues autour des nouveaux modèles fraîchement acquis, mon VTT d’ado est passé à une transmission Shimano Altus complète à 3×7 vitesses, avec une cassette et une chaîne HG30. Pas mal, pour un modèle d’entrée de gamme en acier Hi-Ten !

En 1997, insatiable, je ne parvenais pas à me satisfaire de ce LG70 upgradé, dont les 3 ans d’utilisation se trahissaient par des éclats de peinture. Il ne pouvait pas soutenir la comparaison face à un Rockrider 320 que venait d’acquérir un de mes partenaires de terrain, tandis que même ma copine de l’époque possédait ce modèle de chez Décathlon que je rêvais d’avoir.
Alors, sans le budget pour le remplacer, je décidai de donner un coup de jeune à mon pauvre LG70.

Dans un premier temps, j’entrepris de repeindre le cadre. J’opte pour un gris argent, et en profite pour refaire les inscriptions sur la livrée : désormais, on n’a plus affaire à un Champion LG70, mais à un… McLaren MP4/12, un petit clin d’oeil de fan de Formule 1 de l’époque envers les monoplaces éponymes qui portaient la même couleur.
Fait amusant : j’ai fait cette peinture à la bombe, dans ma chambre d’adolescent, et en cachette pour ne pas me faire remarquer. C’était vraiment la PIRE chose à faire ! Déjà parce que l’odeur trahissait mes manigances. Mais en plus, le manque d’aération rend l’opération dangereuse, sans compter que cela a créé des dépôts de peinture partout, sur le mobilier et le linge de lit. A ne pas faire du tout !

Au fil de mes escapades dans les magasins, je fini par trouver des dérailleurs Alivio à bon prix : j’en fais donc l’acquisition, avec une patte qui me permettra de fixer le dérailleur arrière sur ce cadre, qui, on le rappelle, ne possède pas de patte de fixation.
Dans le même élan, je trouve également des étriers de freins V-Brake de la marque Tektro. A cette époque, ce nouveau système de freinage était encore récent, et remplaçait les étriers de type cantilever sur les groupes haut de gamme de Shimano. Comme le principe n’est pas breveté (était-ce intentionnel de la part de Shimano ?), des fabricants se sont vite mis à proposer des modèles plus accessibles, comme ce fut le cas, donc, pour Tektro.
Néanmoins, le bras de levier étant plus long sur les étriers V-Brake, il est nécessaire de tirer plus de câble pour actionner le freinage, ce qui rend les leviers cantilever incompatibles ! De fait, les manettes ST-EF20 ne sont plus adaptées, le levier venant quasiment en butée de course.

Il a donc fallu envisager de leviers de frein… mais aussi de manettes, car les modèles ST-EF20 combinent les deux. Dans un sens, cela n’était pas un mal, car depuis les Altus A20 et A10 de 1993, j’ai toujours eu envie d’avoir des Rapidfire Plus, même si j’étais ravi des EZ-Fire Plus.
Ca tombe bien, depuis le millésime 1996, Shimano a commencé à dissocier les manettes des leviers de frein, ce qui fut l’occasion d’opter pour des leviers Tektro, Shimano ne proposant pas de leviers V-Brake d’entrée de gamme à cette époque.
Pour les manettes de vitesse, j’étais hésitant : cette même année, Shimano avait supprimé l’indicateur de vitesse, dit Optical Gear Display, sur toutes les gammes, ce qui n’était pas à mon goût. Mais je découvre peu de temps après qu’il était prévu que le millésime 1997 les réintroduise.
J’ai donc continué à utiliser les manettes ST-EF20 avec des étriers V-Brake en attendant que des nouvelles manettes Alivio soient disponibles. Et l’idée n’était pas non plus géniale, car avec la longue course des leviers Cantilever sur des étriers V-Brake, il faut régler les patins au plus près de la jante pour limiter le contact avec les poignées au freinage, ce qui n’est clairement pas optimal.

Pourtant, j’avais bien des leviers Tektro à disposition, il fallait que je prenne mon mal en patience.

En attendant, dans un souci de cohérence, et puisque je prévoyais de monter des dérailleurs et des manettes Alivio, je me dis que je pourrais optimiser le tout en remplaçant le pédalier, la cassette et la chaîne par des modèles dit « Interactive Glide », une technologie introduite par Shimano sur les groupes Alivio et STX pour fluidifier le passage de vitesse. Après tout, le pédalier lui-même disait « Use IG chain only » (« n’utilisez que des chaînes IG »).
Les modèles IG50 font donc leur arrivée sur le LG70.

Le pédalier Shimano Alivio « Interactive Glide »

Mon VTT Champion était désormais presque abouti, et s’il ne me restait qu’à trouver des manettes Alivio disposant de l’OGD, je n’avais pas l’intention de le faire évoluer au delà du remplacement des shifters… Jusqu’à ce qu’à ce qu’en me promenant chez Go Sport en période de soldes, je tombe sur une paire de jantes Wolber, bradées à 20Frs/pièce (soit environ 3€).
Quand j’ai commencé à m’y intéresser, le vendeur s’est adressé à moi et voulait s’assurer que je savais rayonner une roue. En lui répondant par l’affirmative (forcément, j’avais déjà remplacé les moyeux de mon LG70), j’ai bien remarqué son soulagement à l’idée d’enfin vendre ces jantes, lui-même me disant qu’il avait du mal à les faire partir, peu de gens parmi la clientèle du magasin ne sachant rayonner.

Je démonte alors les jantes du LG70, récupère les moyeux Acera-X, et les installe au centre des nouveaux cercles Wolber. Plus tard, je ré-itère l’opération, cette fois pour remplacer les moyeux Acera-X par des modèles Alivio à l’avant et STX à l’arrière, ce dernier ayant été trouvé au rabais chez Décathlon.

Enfin, je trouve finalement des manettes Alivio dotées d’indicateurs de vitesse : les modèles SL-MC10. Je les installe et utilise les leviers de frein V-Brake Tektro que je possédais déjà, ce qui améliore grandement le freinage. Mais cette évolution, la dernière sur le LG70, ne sera pas vraiment beaucoup utilisée sur ce vélo, car elle intervient en toute fin de carrière.
Devenu majeur et ayant perçu mes premiers salaires de job d’été, j’avais désomais un peu d’argent que je pouvais consacrer à un vélo plus abouti… qui prendra en fait la forme d’une sorte d’upgrade. Mais on verra ça dans la suite de la série.

Les manettes Shimano Alivio SL-MC20

Au final, c’est donc avec un Champion LG70 qui n’en était plus un que j’ai traversé l’adolescence et que j’ai parcouru les différents bois et chemins des environs. Il m’aura permis de partir à la découverte des espaces verts marno-valliens et de m’initier à l’upgrade et à la mécanique vélo. Et même s’il n’est qu’un modèle de loisir vendu en hypermarché, c’est lui qui m’aura mis sur la voie du VTT, d’abord côté matériel, puis côté terrain.
Aujourd’hui, il n’en reste plus grand chose… mais il en reste quand même un peu malgré tout ! Les manettes Altus C20 d’origine sont encore en ma possession, de même que les étriers cantilever BR-CT50. Les poignées d’origine, dans un caoutchouc de très mauvaise qualité, sont également toujours à l’atelier, conservés comme des reliques du passé.
Le cadre, lui, a passé plusieurs mois sous la pluie, au fond du jardin de mon enfance, avant de finir aux encombrants.

Triste fin pour le Champion LG70

Un regret tout de même : à l’époque, nul appareil photo numérique qui nous donnait le réflexe prendre tout ce qui nous tombait sous la main en en photo, et encore moins de smartphone. Donc il n’existe aucune photo de ce Champion LG70 au fil de sa vie, et en particulier après sa transformation en « McLaren MP4/12 ». Si ce n’est une photo à la toute fin de sa carrière…

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