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« Graveliser » un VTT, essai numéro 2 avec le Rockrider ST 560 Milano


Après une première tentative de transformer un un Big RR 5.3 en gravel et le relatif échec rencontré, on n’a pour autant pas abandonné l’idée de faire un vélo roulant sur la base d’un VTT. En effet, l’un des points noirs soulignés était la géométrie trop typée confort et stabilité, qui handicapait sérieusement le rendement, et, forcément, la curiosité pousse à se demander si l’opération ne serait pas plus concluante avec un cadre moins tourné vers le loisir. C’est donc avec le Rockrider ST 560 Milano (dont l’histoire est contée ici) qu’on réitère cette expérience.

Le Rockrider ST560 Milano en mode gravel

Le projet d’origine

Petit rappel des faits : il y a quelques temps, on a tenté de faire d’un Big Rockrider 5.3 un vélo taillé pour la route tout en étant capable d’exploiter une partie de ses capacités d’origine et de s’aventurer ponctuellement sur les chemins escarpés. En somme, il s’agissait dans un sens de créer un gravel sur base de VTT.

L’idée à la basee était en fait de monter un vélo qui pouvait être utilisé au quotidien comme vélotaf. Il fallait donc qu’il soit efficace principalement en milieu urbain, pour avaler les pistes cyclables et routes menant du domicile au bureau. Mais il fallait également qu’il puisse couper à travers les chemins escarpés, et notamment par le Bois de Vincennes, mais pas nécessairement dans des chemins très cabossés ou très gras, donc pas forcément dans des portions typiquement VTT.
Et le critère le plus important concernait son niveau de performance : parce qu’il doit servir pour un déplacement de tous les jours et non pour des promenades, il fallait qu’il soit le plus rapide possible.

C’est ce qui a expliqué le choix de roues de 29″, donc dotées de jantes de 622mm de diamètre, entourées de pneus à section 40mm à picots, et le remplacement de la fourche suspendue par une fourche rigide. Cela correspond à ce qu’on peut trouver sur un gravel.
Le Big RR 5.3 a servi de cobaye pour sa disponibilité et sa compatibilité avec les roues de 29″.

Mais le résultat n’a pas été à la hauteur de nos espérances : si un gain évident a été constaté sur les performances par rapport aux spécifications d’origine, celles-ci demeurent insuffisantes pour un usage route régulier. Trop lourd et trop typé confort, il manquait, en plus, cruellement de dynamisme, la faute au cadre qui présente des bases bien trop longues.

Dès lors, une question s’est posée : est-ce que l’échec vient du fait qu’un VTT ne pourra jamais être performant sur l’asphalte, ou est-ce que c’est le Big Rockrider 5.3 qui n’était pas le candidat qu’il fallait pour tenter ce genre d’expérience ?
Et comme on aime faire avancer la science, on s’est dit qu’on ne pouvait pas en rester là, et qu’il fallait qu’on vérifie avec un autre VTT, ayant des aptitudes à la performance plus évidentes que le « 29er » de Rockrider.

Le choix du Rockrider 560

Le Rockrider ST560 Milano en mode VTT
Le Rockrider ST560 Milano en mode VTT

Dans le cahier des charges, il fallait un VTT confortable et dynamique, capable de recevoir des jantes de 622mm avec des pneus de gravel. Logiquement, un autre 29″ aurait été un choix immédiat.
Toutefois, cela aurait induit la présence de bases à 435mm au minimum. Ce n’était pas gênant en soit, si on arrivait à avoir un cadre rigide axé sur la performance. Mais cela aurait peut-être pu avoir un certain coût.
En parallèle, on se rappelle que le plus important pour savoir si une roue est compatible avec un cadre n’est pas le diamètre de la jante mais le diamètre extérieur du pneu. Or, on remarque d’un pneu gravel est considéré comme un 28″ de diamètre extérieur, ce qui rapproche assez des VTT 27,5″. Il n’y aurait donc qu’un demi-pouce d’écart, soit 1,25cm, et la théorie voudrait donc que la roue de gravel se monte sans problème sur un VTT de ce type. Cela permettrait alors d’avoir un cadre ayant des bases plus courtes, donc ayant un meilleur potentiel dynamique.

Pour cette expérience, on ne voulait pas prendre un modèle de VTT trop haut de gamme, mais il en fallait un qui doit tout de même assez performant. C’est ce qui explique le choix d’un Rockrider 560, qu’on va d’abord rénover, ce qui le fera devenir le Rockrider ST 560 Milano ici présent.

En mesurant les diamètres extérieurs des pneus Hutchinson Cobra 2.10 du VTT et des pneus Schwalbe G-One Allround 1.50 pour gravel, on trouve respectivement 69,5cm et 70,5cm. La théorie se vérifie, et elle se confirme même lorsqu’on mettra les roues de 29″ dans le cadre et la fourche 27,5″ : avec des pneus à faible section, cela passe sans problème. Seule différence : le vélo est très légèrement réhaussé, mais c’est imperceptible.

L’aménagement du Rockrider ST 560 Milano en gravel

Le Rockrider ST560 Milano « gravelisé »

Si on excepte la géométrie du cadre et le guidon, davantage inspirés du domaine de la route, ce qui caractérise un gravel se constitue d’une part des jantes de 622mm de diamètre surmontés de pneus à 42mm de section maximum, mais aussi et d’autre part d’une fourche rigide.
Le modèle Toseek en carbone faisait déjà partie du précédent projet sur la base du Big RR 5.3, elle poursuit bien évidemment l’aventure dans cette seconde tentative sur la base du Rockrider ST 560 Milano. Affichant à peine 606g sur la balance, elle devrait permettre un gain de poids considérable face à la Rockshox 30 Silver d’origine pesant pas moins de 2168g.
Sa hauteur est mesurée à 470mm, ce qui correspond à celle de la Rockshox réglée avec un taux d’affaissement de 15%… ce qui est plutôt étrange, car c’est parfaitement cohérent alors que la fiche technique de la fourche rigide la présentait comme un modèle pour VTT 29″ et qu’elle semble finalement correspondre davantage à un VTT 25,5″. Rien de rédhibitoire, toutefois, cela ne fait que conforter le choix d’un Rockrider 560 pour ce projet.

La fourche Toseek : 606g de carbone

Comme pour le Big RR 5.3 auparavant, la transmission Sram Gx est utilisée avec un plateau de 38 dents, contre 34 lorsque celle-ci était employée sur un VTT. L’utilisation d’un plateau plus grand est rendue pertinente par les parcours davantage lisses, soit route et chemin roulant, qui sont prévus à terme. Cela rapproche en outre des spécifications gravel, qui utilisent souvent des plateaux de 38 à 42 dents.
Le modèle employé est issue d’un fabricant chinois, sous marque Goldix, avec un décalage (offset) de 6mm : ce dernier point empêche d’utilisation d’un plateau plus grand, car les dents passent déjà très près des bases. Pour augmenter le développement de ce vélo, il faudrait opter pour un plateau à décalage de 3mm, ce qui déporterait légèrement les dents vers la droite et laisserait la possibilité d’en avoir 40 voire 42. Mais cette option est davantage destinée aux boitiers de pédalier au format Boost, et a compatibilité n’est pas garantie. Aussi, pour éviter un bricolage hasardeux, on reste sur le plateau de 38 dents.

Le poste de pilotage, lui, reste inchangé : on garde celui d’origine, c’est ce qui fait l’essence de ce projet dans lequel on cherche à avoir un VTT apte à la route.

Sur le terrain… ou plutôt sur la route

On emmène ce VTT de route sur un trajet urbain de 17,5km, avec 158m de dénivelé positif et 121m de dénivelé négatif. Le tracé est majoritairement composé de routes et de pistes goudronnées, avec 3km dans les bois.

La première chose qui frappe, c’est la légèreté de l’ensemble. Alors, certes, ce vélo affiche 10,7kg sur la balance, pédales comprises, ce qui n’est pas réellement exceptionnel si on le compare à un vélo de route. Mais pour engin basé sur un VTT de milieu de gamme, c’est une valeur intéressante.
Le rendement offert au pédalage s’avère quelque peu déroutant. Le ST560 Milano n’affiche pas la nervosité que son poids laissait espérer. Il n’est pas pataud pour autant, mais le gain ne semble pas si exceptionnel par rapport à son setup VTT, quand il était équipé de sa fourche et de ses roues d’origine. En revanche, la prise de vitesse est réelle, et le plateau de 38 dents fait des merveilles malgré sa petite taille comparée aux plateaux des gravels et des vélos de route.

Dans l’ensemble, si on compare ses performances avec un vrai gravel, en l’occurence le Triban GRVL 520, il va montrer une capacité d’accélération et de reprise légèrement en retrait, ce qui s’explique par les bases plus longues, car issues d’une géométrie VTT. En revanche, avec des roues de 29″ et des pneus à section de 40mm, il maintient mieux la vitesse que le gravel, qui se dote de roues de 27,5″ avec des pneus à section de 47mm.

Sur ce même trajet de 17,5km, le gravel demandera un peu plus de temps (52 minutes contre 48 pour le RR ST560 Milano). Mais on nuancera cette valeur par les conditions de pédalage qui ont peut-être varié entre les deux sessions (vent, trafic routier…). L’écart semble toutefois assez intéressant à relever.

Ce VTT « gravélisé » n’est donc certes pas le foudre de guerre auquel on avait envie de s’attendre, par manque de dynamisme au démarrage et dans les reprises, mais ses performances globales vont s’avérer très convaincantes grâce à sa capacité à tenir la vitesse sur portions roulantes. Même s’il n’atteint pas la vélocité d’un vélo de route, il offre une vélocité suffisante pour ne pas se décourager à l’utiliser au quotidien, même en vélotaf.

Evidemment, il faudra faire une petite croix sur le confort : déjà, par rapport à son passé de VTT, le RR ST560 Milano troque sa fourche à suspension et ses pneus à large section contre une fourche rigide et des pneus à section fine. Soit autant de points qui jouent en totale défaveur du confort.
Même le Trival GRVL 520 va s’avérer plus confortable. Et malheureusement, le carbone utilisé pour la fourche n’y changera pas grand chose.
Sur le bitume, le problème est acceptable. En revanche, il devient plus compliqué d’emprunter des portions tout-terrain sans se retrouver secoué et sans solliciter un tant soit peu le corps.
Néanmoins, si on fait fi de ce désagrément, ce Rockrider transformé en gravel roule plutôt bien dans les bois, et s’il ne peut plus vraiment être utilisé comme VTT pur, il saura parfaitement bien se débrouiller sur des portions légèrement accidentées. Cela en fait donc un vélo particulièrement polyvalent et plutôt performant.

Un VTT qui se défend bien en milieu urbain

Pour compléter le test, on a remis la fourche Rockshox 30 Silver d’origine, ce qui ajoute donc quelques 1562g sur le train avant, sans compter la commande de blocage, et on a testé l’ensemble sur le même trajet urbain de 17,5km : on y gagne assurément – et forcément – en confort et le vélo offre plus de contrôle face aux aspérités du bitume. On perd évidemment en nervosité, mais étonnamment pas de manière si évidente. La vitesse moyenne descend également… mais on se rend compte que c’est surtout dans les montées que la fourche à suspension pénalise les performances. Sur le plat et les descentes, les vitesses atteintes sont similaires, ce qui fait qu’au final, sur un trajet dont les dénivelés positifs sont peu nombreux, le chronomètre ne rendra qu’une poignée de dizaines de secondes sur les temps réalisés avec la fourche rigide.
On n’ira quand même pas jusqu’à minimiser l’intérêt de cette dernière. Pour un usage quotidien où on favoriserait la vélocité, la fourche rigide reste le meilleur choix si on est prêt à sacrifier le confort et le contrôle (en particulier si les trajets effectués le sont sur une asphalte bien lisse). Toutefois, une fourche à suspension peut constituer un compromis intéressant si on veut s’épargner des secousses contraignantes (ornières, pavés, etc…) quitte à perdre un peu en vélocité.

Le Rockrider ST560 Milano "gravelisé" avec une fourche à suspension
Le Rockrider ST560 Milano « gravelisé » avec une fourche à suspension

Le VTT gravel, une hérésie pas si hérétique

Il y a des puristes qui considèreront qu’un gravel à cintre plat n’est plus un gravel. D’autres diront qu’un VTT « gravelisé » ne sera finalement rien de plus qu’un tout-terrain des années 90 avec une géométrie plus moderne.
Si on se tient à la définition de la pratique gravel, qui stipule qu’il s’agit d’une utilisation polyvalente du vélo, avec autant de portions bitumées que de sentiers secoués, un VTT, dont la vocation est justement d’être suffisamment à l’aise et robuste sur le tout-terrain, qu’on adapte à un usage route avec des pneus fins et une fourche rigide s’avère parfaitement répondre au cahier des charges.

Sa géométrie VTT et son cintre plat offre alors une maniabilité et une stabilité en phase avec son utilisation d’origine, tandis que le train avant et la section pneumatique limitent certes l’usage off-road mais offrent le minimum de légèreté et de rendement qu’on attend pour un usage sur la route.
Donc, en définitive, imaginer un gravel sur la base d’un VTT et non sur celle d’un vélo de route n’est pas si dénué de sens, et peut même s’avérer plutôt efficace.
L’exemple sur ce Rockrider 560, devenu Rockrider ST560 Milano, montre finalement que la démarche fonctionne bien.

Il y aura cependant des nuances importantes, du fait de la différence de philosophie d’origine entre les vélos tout-terrain et les vélos de route : les bases du VTT, plus longues pour gagner en stabilité et en confort, ne permettent pas d’obtenir la même nervosité qu’un pur gravel, tandis que la position de conduite du gravel, issu de la route, assure plus de performance. A noter également quand dans le cas d’un mono-plateau, il ne sera pas possible de monter un plateau de plus de 38 dents sur un VTT : les bases étant plus larges, forcément pour laisser passer des pneus de plus grandes sections, un plateau plus grand frotterait dessus.

Donc, au final, un gravel issu de la route et un VTT « gravelisé » offrent des terrains de jeu identiques mais proposent deux philosophies différentes. Si on considère que le gravel désigne strictement la philosophie issue de la route, alors, oui, le VTT gravel est une hérésie : pas assez nerveux, pas assez rigide, trop grand public. Si, en revanche, on ne prend en compte que le terrain, alors le VTT peut se muer en gravel avec réussite : apte à l’origine au tout terrain, le simple changement de montes pneumatiques accompagné d’une fourche rigide lui permet de gagner un rendement appréciable pour la route, si on accepte de sacrifier les gros développement si on fait le choix du mono-plateau.
Mais dans tous les cas, l’essentiel reste de trouver le mode qui nous convient le mieux, en cherchant le meilleur équilibre entre les performances, l’agilité, le confort, et… le plaisir qu’on en tire.