Dans le domaine de la transmission tout-terrain, deux tendances se dégagent fortement. D'un côté, le nombre de pignons sur la cassette tend à augmenter. De l'autre, le nombre de plateaux sur le pédalier diminue. Et ces dernières années, ce sont les transmissions mono-plateau qui se retrouvent majoritaires sur les VTT.
Les constructeurs annoncent différents avantages à l'usage, comme la simplicité, la performance, ou même pour certains, le fait de "faire comme les pro". Mais s'agit-il de réels arguments ou y-a-t-il une raison moins assumée qui pousse à une forte incitation marketing ? On va essayer de donner quelques éléments de réponses.
NB : cet article est un billet d'humeur basé un constat personnel, bien qu'essayant d'apporter des éléments objectivement observés. Il n'est pas basé sur une étude scientifique et a davantage pour objectif d'ouvrir le débat que de poser une vérité sur un thème qui peut s'avérer clivant.
Un peu d'histoire
A l'origine du VTT, les pédaliers avaient des spécifications plutôt simples : ils étaient forcément en triple-plateaux, par opposition aux vélos de route qui n'en avaient que deux. Un tout-terrain devait, en effet, pouvoir être polyvalent, et on attendait qu'il puisse à la fois être performant sur le roulant et être capable de grimper des côtes sur sol meuble.
Les cassettes ne comportaient que 7 pignons, 14 à 28 dents, et la meilleur solution pour proposer un étagement progressif tout en couvrant une très large plage de développement était de proposer 3 plateaux, généralement à 28, 38 et 48 dents. Sur une roue de 26", cela permettait d'avoir 21 vitesses pour des développements compris entre 2 et 7m.
Le leader du marché du composant cycliste qu'était Shimano à cette époque se posait comme le décideur des standards. Quasiment le seul à proposer des innovations dans les années 90, c'est par exemple lui qui imposera les manettes de vitesse à gâchettes ou les freins V-Brake (nom qu'il a créé mais sans le déposer en tant que marque).
Pour les pédaliers, il croira beaucoup au triple-plateaux, et l'améliorera en 1994 avec l'Hyperglide-C, une version compacte des couronnes et des pignons qui conserve l'amplitude d'étagement des transmissions précédentes. Avec un pédalier à 24, 34 et 42 dents associé à une cassette 11-28, on dispose de 21 vitesses couvrant des développements compris entre 1,8 et 7,9m, et en prime, on augmente la garde au sol, ce qui est idéal pour le franchissement d'obstacles en tout-terrain.
Au cours des décennies 90 et 2000, Shimano augmentera le nombre de pignons sur la cassette, passant à 8 puis à 9, sans abandonner le triple-plateaux. Seul le groupe Saint, dédié à l'enduro et à la descente, fera exception : parce que cette pratique exigeait davantage de vélocité dans le pédalage pour mieux grimper les obstacles et ne nécessitait pas de tourner les pédales dans les descentes, il devenait inutile d'avoir une grande couronne, et le Shimano Saint était donc d'abord proposé en double-plateaux 2x9 vitesses 22/32 ou en mono-plateau 1x9 vitesses jusqu'à 38 dents.
C'est lorsque l'hégémonie de Shimano sera remise en question que les choses vont se gâter réellement pour le triple-plateaux. A la fin des années 2000, SRAM, qui avait pris le temps de devenir le concurrent le plus sérieux du fabricant japonais grâce à plusieurs expansions horizontales incluant notamment le rachat de l'allemand Sachs, prend les rennes de l'innovation VTT et profite du passage aux cassettes à 10 vitesses pour lancer le double-plateaux dans les pratiques cross-country et all-mountain.
Les groupes X7, X9, X0 et XX sont proposés avec des pédaliers à deux couronnes, là où Shimano, qui tient beaucoup à la polyvalence du triple-plateaux, conserve 3 couronnes sur ses groupes. Les japonais suivront néanmoins la tendance lancée par les américains, face à une demande indéniablement existante, en proposant une option à double-plateaux sur les groupes SLX, Deore XT et XTR. Ils utiliseront une commande gauche pouvant fonctionner aussi bien avec 2 qu'avec 3 plateaux, grâce à une molette de réglage.
L'arrivée des transmissions 11 vitesses combinée à l'évolution de la pratique VTT, plus portée sur la vélocité de pédalage en dénivelés variés et moins axée sur la prise de vitesse sur le plat, va encore rebattre les cartes dans le domaine de la transmission : d'un côté, le fait de favoriser la cadence de pédalage va ôter de l'intérêt aux plateaux de 40 dents et plus, et de l'autre, le 11ème pignon va permettre d'élargir l'étagement de la cassette, celui-ci pouvant alors dépasser les 40 dents et permettre de se passer d'un plateau de 24.
Du côté de Shimano, ce fait signe l'arrêt de mort du triple-plateaux : les VTTistes ont moins de raisons d'utiliser les gros braquets offert par les plateaux de 42 dents, surtout avec des roues de 27,5" et de 29" au lieu de 26". En outre, le grand pignon offre désormais une taille qui permet de grimper des côtes sans forcément avoir besoin d'une petite couronne. Les japonais concentrent alors leur haut de gamme sur les variantes double-plateaux, avec toutefois une option 3x11 uniquement pour les Deore XT et XTR.
Pour SRAM, c'est carrément l'occasion de supprimer le dérailleur avant : le mono-plateau arrive sur les groupes Gx, X01 et XX1. Diverses tailles de plateau seront alors proposées pour répondre aux différents profils d'utilisateurs, dans une fourchette comprise entre 28 et 38 dents. Et même si le Gx reste disponible en 2x11 vitesses, le mouvement vers la couronne unique est lancé, et l'américain se jettera dans cette innovation qu'il portera à bout de bras, poussant Shimano à suivre.
Le clou sera enfoncé avec l'introduction des transmissions 12 vitesses. SRAM dégaine le premier et opère avec une révolution majeure en introduisant le corps de roue-libre XD sur le haut de gamme. D'un diamètre plus petit que celui du corps HG de Shimano qui régnait en maître depuis les premières transmissions 8v du milieu des années 90 (et encore plus tôt si on compte la variante plus étroite pour les transmission 7v), il permet enfin l'introduction d'un pignon inférieur à 11 dents : avec seulement 10, il est possible de conserver les gros développement avec un plateau plus petit, offrant ainsi une plage de vitesses bien plus large, et donc plus polyvalente. Le fabricant américaine en profite pour abandonner définitivement le double-plateau.
Du côté japonais, Shimano répond avec le corps de roue-libre Microspline et introduit également un pignon de 10 dents pour proposer lui aussi une cassette polyvalente 12v sur les groupes SLX, Deore XT et XTR, abandonnant le double-plateau, sauf sur le Deore XT qui le conserve en option.
Un mono-plateau pour quoi faire ?
Le mono-plateau propose de nombreux avantages objectivement indéniables. SRAM met notamment en avant le gain de poids et la simplicité d'utilisation. Et effectivement, l'absence d'un dérailleur avant et d'une manette gauche, associée au retrait d'un plateau, permet de supprimer quasiment un demi-kilogramme sur la transmission. C'est loin d'être négligeable, en particulier sur les modèles dédiés à la performance.
Impossible de nier également la simplicité d'usage : avec juste les vitesses du dérailleur arrière à gérer, le pilote n'a plus à cogiter sur le plateau à employer et peut réagir plus vite sur le terrain. En outre, le problème du croisement de chaîne est éliminé, tout comme celui de la redondance des vitesses, comme sur les triple-plateaux, où certains développements du plateau intermédiaire se retrouvaient sur le petit et le grand plateau et faisaient doublon.
On peut également ajouter la simplicité d'entretien, car il n'y a plus de dérailleur avant à nettoyer et à lubrifier, et cela ôte un réglage à surveiller. Et pour certains, l'épurement du poste de pilotage est un plus appréciable, car avec une manette en moins, il y a plus de place soit pour alléger la vue du cintre, soit pour y ajouter des éléments tels qu'un GPS.
Et puis, de manière assez paradoxale, le mono-plateau permet aux couronnes de bénéficier d'un aspect anti-déraillement. En effet, si à la base, le dérailleur avant permettait d'éviter les déraillements accidentels, le fait de ne plus avoir à changer de plateau permet aussi et surtout de travailler la dentition de manière à mieux retenir la chaîne. C'est ce qui a permis à SRAM d'introduire le "Narrow-Wide", où une dent étroite alterne avec une dent large, stabilisant chaque maillon engagé sur le plateau. Dans des usages plus extrêmes, on utilisera certes un anti-déraillement, mais globalement les transmissions 1x sont, de base, particulièrement stables.
Mais on peut trouver encore plus poussé au niveau de l'argumentation en se référant à ce qui est pratiqué chez Décathlon, notamment. Dans l'enseigne nordiste, c'est simple : le mono-plateau fait la loi en VTT, mais aussi sur les VTC. Il n'existe plus de dérailleur avant dans les catalogues Rockrider et Riverside, et le constructeur indique parfois que cela permet de "faire comme les pro".
C'est un argument qui ne semble pas tellement dire grand chose, mais met en lumière le fait même que la pratique du VTT qui a beaucoup évolué depuis les années 90. Qu'il s'agisse d'amateur ou de professionnel, tant qu'on parle d'une pratique sportive, la discipline requiert de plus en plus de la vélocité au pédalage que de la force. Ainsi, les plateaux limitent leur taille, et les VTTistes moulinent plus que les cyclistes sur route.
On peut le constater dans le fait que le mono-plateau a d'abord trouvé sa place dans les pratiques exigeantes du VTT, telles que le Cross-Country, l'enduro ou le all-mountain. SRAM l'a initialement introduit sur ses groupes haut de gamme, et il serait plutôt logique de penser qu'il s'agit d'un progrès dans les technologies du VTT, progrès qui ne peut qu'être amené vers les gammes inférieures à terme.
Ce serait pourtant un raccourci un peu trop simple car la situation n'est pas aussi évidente que cela en a l'air. Il faut comprendre que le mono-plateau apporte des avantages certains, mais implique également des contraintes.
Un mono-plateau pour tous, vraiment ?
Avant l'arrivée des cassettes à 12 vitesses, le petit pignon ne pouvait pas posséder moins de 11 dents, c'était tout simplement impossible physiquement. Seul le grand pignon pouvait voir sa denture évoluer, et sur les cassettes 11 vitesses, on pouvait monter jusqu'à 46 dents tout en gardant un étagement progressif.
Dès lors, le mono-plateau avait la charge de couvrir tous les besoins avec uniquement 11 braquets disponibles ce qui rend impossible l'obtention d'une polyvalence totale. Il faut donc faire le choix entre favoriser les développements courts pour grimper et les développements longs pour prendre de la vitesse sur le plat et les profils descendants.
Dans une pratique axée sur une discipline en particulier, et si on dispose du bagage physique nécessaire, on connaît ces implications et on mesure les sacrifices à effectuer. En cross-country, par exemple, si on sait qu'on devra davantage privilégier les développements courts pour mieux relancer dans les single tracks et mieux franchir les dénivelés positifs, on pourra plus facilement opter pour un plateau de 30, 32 voire 34 dents en étant préparé au fait qu'on moulinera beaucoup sur les quelques portions plates qu'on aura à franchir.
A l'inverse, si on sait qu'on roulera majoritairement sur des profils plats, descendants ou faiblement ascendants, et qu'on souhaite pouvoir atteindre des hautes vitesses, on optera pour un plateau de 36 ou de 38 dents en sachant qu'il faudra ponctuellement ramer en montée.
Pour le grand public, c'est moins évident : on ciblera ici une population dont l'usage est plus disparate et qui n'a pas nécessairement le bagage physique pour compenser des développements qui leur manqueraient. Elle se composera autant de personnes ayant à franchir des cotes que de VTTiste pédalant sur des portions très roulantes. Surtout, généralement, ils utilisent leurs VTT sans avoir un choix prédéfini de profils à parcourir et idéalement, ils ont besoin de la plus grande polyvalence possible, pour couvrir toutes les demandes.
L'arrivée du 12 vitesses est une réponse à un besoin de plus de polyvalence sans recourir à un dérailleur avant. Elle l'est d'autant plus que ce fut l'occasion pour SRAM et Shimano d'introduire de nouveau corps de cassette, qui vont permettre d'utiliser un pignon plus petit que ce qu'autorisait l'antique corps de type Hyperglide.
Avec respectivement le XD et le Micro-Spline, les fabricants introduisent le pignon de 10 dents, et l'accompagnent d'une douzième vitesse montant à 52 dents. Cela permettra d'utiliser un plateau plus petit tout en permettant de profiter d'un gros développement pour les descentes, tandis que le 12ème pignon offrira une amplitude assez large en permettant également le franchissement de forts dénivelés. Les transmissions 1x12 deviennent alors à même de se poser comme des alternatives aux doubles-plateaux. On estime en effet que les 12 vitesses d'une cassette 10-52 permettent de bénéficier d'un étagement très proche d'un double-plateaux accompagné de 11 pignons allant de 11 à 46 dents.
Grâce à ce pignon supplémentaire et aux nouveaux corps de roue-libre, le mono-plateau offre une polyvalence plus que jamais proche du double-plateaux, et SRAM affirme même pouvoir l'égaler sur ce plan. Toutefois, l'américain, tout comme son concurrent japonais Shimano, ne propose une telle déclinaison que sur les groupes VTT les plus performants, à savoir Gx, XX et X0 chez l'Oncle Sam et Deore, SLX, Deore XT et XTR au pays du soleil levant. Et donc les plus chers.
Les double-plateaux restent donc parfaitement pertinents sur les VTT d'entrée et de milieu de gamme, destinés à la randonnée sportive, car cela permet de les équiper de transmissions à la fois polyvalentes et accessibles financièrement. Et les grands constructeurs en ont conscience, puisque c'est ce qui constitue une grosse partie de l'offre chez des marques telles qu'Orbéa, GT ou Scott.
Enfin, d'autres avantages à l'usage peuvent également être mis au crédit du double-plateaux face au mono.
Tout d'abord, ce dernier présente l'inconvénient notable de ne plus pouvoir atténuer le croisement de la chaîne. En effet, même si le plateau est parfaitement centré par rapport à la cassette, l'utilisation des pignons d'extrémité crée une légère torsion, surtout en 1x12.
Ensuite, il faut considérer le fait que cette deuxième couronne permet également de pouvoir réaliser un gros changement de braquet bien plus rapidement qu'en utilisant uniquement les pignons. Lorsque le pilote soit passer rapidement d'un gros à un très petit développement, il peut se contenter de passer au plateau inférieur s'il en possède. Sur un mono-plateau, il doit transiter par plusieurs pignons de la cassette avant de trouver le braquet court qui lui convient. C'est particulièrement pratique en cas de brusque changement de dénivelé.
Et dans tous les cas, le double-plateau offrira toujours la plus grande amplitude de développements.
Le mono-plateau, un choix économique ?
Alors que le double-plateaux possède manifestement encore des avantages et en possède d'autant plus que les vélos d'entrée et milieu de gamme demandent des transmissions abordables et polyvalentes à la fois, certaines marques n'hésitent pas à généraliser le mono-plateau vers les modèles destinés au cyclistes peu ou moyennement aguerris. Et qu'importe si Shimano ne propose pas l'option mono-plateau sur ses groupes loisir, elles contourneront le problème en utilisant partiellement ou complètement des composants low cost Microshift, Sunrace ou Prowheel, avec des cassettes de 8 à 11 vitesses.
Certes, pour le public ciblé, le gain en simplicité est réel, mais contrairement aux transmissions 1x12, cette fois, cela se fait au prix assumé d'un sacrifice de quelques braquets. On sacrifie donc clairement l'usage au profit de l'ergonomie, et même Shimano finira par suivre le mouvement avec sa gamme Cues, conçue pour des utilisations actives polyvalentes et proposée à la fois en double et en mono-plateau avec des cassettes de 9 à 11 vitesses.
Face à cette situation, on se pose la question de la pertinence d'un tel choix : les utilisateurs les moins expérimentés sont-ils à ce point demandeurs d'une transmission simple à utiliser quitte à ne pas pouvoir aller aussi vite ou ne pas grimper des cotes aussi raides que ce qu'ils pourraient faire avec un second plateau sur leur pédalier ?
Même si cela permet également d'alléger significativement le vélo, on peine à imaginer un plébiscite chez un public qui se rendra bien plus vite compte qu'il lui manquera des braquets et qui n'aura pas le bagage technique et physique pour les compenser par lui-même.
A moins qu'il n'y ait un avantage économique ? C'est le raisonnement logique qu'on pourrait avoir, avec le moindre pièces présentes sur le vélo, mais ce n'est pourtant pas si simple...
Déjà, sur le haut de gamme, Shimano et SRAM ne profitent pas de l'apparition des transmissions mono-plateau pour abaisser le prix des groupes. Au contraire, à gamme équivalente, les pédaliers, dérailleurs arrières, manettes droites, cassettes et chaînes sont devenus plus onéreux entre les versions 10 vitesses et 11 ou 12 vitesses. C'est encore plus vrai chez SRAM, où le Gx est censé remplacer les X7 et X9 qui étaient bien meilleurs marché.
Sur l'entrée de gamme, les transmissions Microshift ou SunRace, moins chères, prennent la place des composants des marques historiques, en ajoutant généralement un pignon derrière pour compenser le plateau en moins. Et on constate au final que le prix des vélos n'a pas baissé de manière significative chez les marques ayant généralisé le mono-plateau. Ils étaient même plutôt à la hausse, bien qu'on pourra imputer cela à l'inflation liée à la crise du Covid-19.
Plus significatif encore, les vélos complets ne bénéficient pas, globalement, d'un allègement tarifaire en perdant quelques pièces. L'exemple du Scott Scale 950 pousse même le curseur plus loin : proposé en 2017 avec un double-plateaux Shimano mêlant des composants Deore, SLX et Deore XT à 1500€, il évolue en 2018 avec un mono-plateau SRAM Nx avec un dérailleur arrière Gx avec un prix... de 100€ supérieur ! On pourra certes arguer que le cadre a adopté au passage une évolution, permettant d'adoption d'un pédalier Boost, mais tout de même !
Il existe pourtant un réel gain économique, mais il n'est pas lié au fait de vendre le vélo avec des pièces en moins, il est à chercher du côté de la fabrication.
D'abord, si les groupes complets proposent des tarifs similaires entre les versions double et mono-plateau lorsqu'ils sont proposés à l'achat aux particuliers, il faut comprendre que les montants affichés par les équipementiers permettent aussi et surtout de placer leurs produits dans des niveaux de gamme au yeux du public. Grossièrement, un SRAM Gx complet se doit d'être au moins aussi cher qu'un X9, puisqu'il se pose comme son remplaçant et doit donc être perçu comme équivalent voire meilleur.
Or, la fourniture des composants à un constructeur ne répond pas à cette logique : les fabricants peuvent très bien négocier des excellents tarifs en OEM à SRAM, Shimano et consorts.
Ensuite, avec une manette, un dérailleur et une câblerie en moins à monter et à régler, on obtient un gain substantiel sur les chaînes de production, ce qui permet d'en augmenter les capacités et d'en diminuer les coûts de main d'oeuvre. Surtout, moins de pièces à gérer constituent autant d'éléments en moins à stocker, pour autant de coûts à économiser.
Un exemple très significatif peut être observé chez Décathlon : en 2017, le Rafal 760 de B'Twin fut remplacé par le Rockrider 960. Les deux modèles n'avaient pour différence que la livrée et la transmission, passant d'un double-plateau Shimano Deore XT à un mono-plateau Sram GX. Cela a permis une baisse de prix de 400€, de 2000 à 1600€, que le changement de transmission peut certes expliquer, mais on doute qu'il l'explique seul, tant l'écart est énorme. Il s'agit quand même d'une baisse de 20% sur le prix public, ce qui n'est pas négligeable. On suppose donc que cette prouesse a autant été réalisée avec une baisse des coûts de la transmission et une optimisation de l'étape de montage.
Alors si un constructeur est capable d'économiser assez ses coûts de fabrication pour proposer une baisse de 20% sur un modèle haut de gamme, on peut légitimement penser qu'il est capable également d'utiliser le mono-plateau pour optimiser les coûts sur le milieu et l'entrée de gamme. On le voit très bien chez certaines marques qui, face au fait que Shimano et SRAM ne proposent le mono-plateau que sur les groupes les plus onéreux pour les usages les plus sportifs, équipent volontiers leurs modèles d'entrée de gamme de pédaliers low-cost comme Miranda ou Promax associés à des cassettes à 8, 9 ou 10 vitesses d'origine Microshit ou Sunrace.
Ainsi, le discours marketing laissant penser que ce type de transmission est une solution incontournable pour le VTT pose question : s'agit-il d'un réel intérêt pour le pratiquant ou est-ce une excellente opportunité pour le fabricant ?
Conclusion : ai-je besoin d'un mono-plateau ?
Au final, le mono-plateau a clairement sa place sur le marché du VTT... mais il est difficile pour autant d'affirmer qu'il s'agit d'une solution universelle pour tous les niveaux, tous les usages, tous les profils de terrain. Car même s'il est proposé avec des cassettes à 12 vitesses sur corps de roue-libre SD ou Micro-Spline lui permettant de se rapprocher de l'amplitude de développement des double ou triple-plateaux, il ne saurait être aussi polyvalent qu'eux, sauf à augmenter encore le nombre de pignons, ce qui se heurterait tôt ou tard à une limite physique.
Pour des cyclistes expérimentés et aguerris, bien sûr, ce problème se contourne sans problème : ce public connaît sa pratique et son niveau physique, et peut choisir d'aligner la taille de son plateau sur son usage habituel en acceptant de sacrifier des développements peut-être pas inutiles mais rarement utilisés. En somme, celles et ceux qui sont rompu(e)s à l'exercice peuvent accepter un retrait en polyvalence, car ils le compensent par leurs moyens physiques et techniques, ce qui donne du sens à proposer un mono-plateau sur les VTT les plus sportifs. Et puis, dans le cas d'une pratique engagée, c'est peut-être le sens de l'histoire : en tout-terrain, on cherche davantage à mouliner les jambes et à pédaler en vélocité plutôt qu'en force, ce qui fait que les développements demandés sont plus courts qu'avant.
En revanche, c'est plus discutable sur l'entrée et le milieu de gamme, là où les niveaux sont disparates et où la polyvalence a du sens pour répondre à l'amplitude des besoins et des capacités des pilotes.
On n'a franchement rien contre le mono-plateau, loin de là. Les avantages sont certains : plus simple, plus léger, permettant un poste de pilotage plus aéré, il a largement de quoi séduire tout type de public. Et même à titre personnel, pour ma part, j'utilise rarement le petit plateau quand je suis sur VTT équipé en double-plateaux, tandis que mon VTT habituel est équipé d'une couronne unique SRAM Eagle qui me convient parfaitement pour toutes les raisons citées auparavant.
Il est même très probable qu'une généralisation sur tous les vélos à tous les niveaux de pratique et pour tous les usages ne soulève aucun levé de bouclier, et le fait que les enseignes de sport grand public, Décathlon et Intersport en tête, en équipent leurs Rockrider et Nakamura quasi-exclusivement sans être boudées par leur clientèle en est la preuve.
Mais on est plutôt d'avis qu'il reste incongru de les afficher comme progrès inévitable et incontestable, et, pour certains fabricants, de ne proposer aucune alternative voire de rendre impossible la pose d'un dérailleur avant en seconde monte.
Car en vérité, tout dépend de la pratique et des profils visés : si on sait d'ores et déjà que certains développements extrêmes sont inutiles, soit parce qu'on connaît ses terrains de jeu habituels, soit parce qu'on a les capacités physiques pour compenser leur absence, alors, oui, le mono-plateau devient idéal. Les cyclistes loisirs pourraient alors se contenter d'un plateau de taille raisonnable, par exemple 34 ou 36 dents maximum, de manière à ne pas trop solliciter les cuisses lors de leurs promenades, tandis que les pratiquants plus expérimentés et plus sportifs opteront pour une couronne qui répondra au mieux à leurs sorties, par exemple à moins de 34 dents s'il s'agit d'affronter des dénivelés positifs importants en montagne ou en forêt, ou à 38 dents au moins pour les sorties très roulantes à faibles dénivelés.
Il peut arriver qu'on ait un profil d'utilisation qui emploie rarement un développement court, par exemple si on pratique majoritairement en sous-bois, mais qui demande quand même de temps en temps de grimper des fortes cotes quand on s'aventure ailleurs que sur nos tracés habituels. De fait, si on souhaite avoir une polyvalence extrême pour pouvoir emmener un VTT dans des espaces nouveaux sans crainte de galérer au pédalage, le double-plateaux a encore de beaux restes devant lui.
Et puis, il faut garder en tête que le mono-plateau n'est réellement pertinent qu'à partir du moment où la cassette possède assez de vitesses pour couvrir un maximum de besoins. C'est le cas à 12 vitesses, mais également à 11 vitesses dans une moindre mesure. Cela commence à devenir subjectivement discutable à 10 vitesses, et on devient très sceptique sur les solutions 1x9 voire 1x8 qu'on peut trouver sur certains modèles grand public. A moins d'utiliser un grand pignon sur-dimensionné par rapport aux autres, à la manière d'un Megarange de Shimano.
Autrement dit, le mono-plateau peut trouver une pertinence avec une cassette 12 voire 11 vitesses et auprès des pratiquants aguerris, mais l'est peut-être moins sur des vélos de gammes inférieures, avec 10 vitesses ou moins, là où les cyclistes sont moins préparés à compenser les développements qui leur manqueraient.
Bref, même si le mono-plateau comporte des avantages certains, il ne semble pas opportun d'enterrer le dérailleur avant aussi vite. Au contraire, plus que jamais, il est nécessaire de comprendre sa propre pratique et, surtout, d'avoir le choix.