Le Big RR 5.3, ou Big Rockrider 5.3, est un ancien modèle de VTT proposé par l'ex-marque B'Twin de Décathlon. Destiné à un usage loisir-sport, il favorise davantage l'accessibilité et le confort que les performances pures : les amateurs de vitesses ne sont donc pas visés par ce vélo.
Mais pour autant, est-il possible d'en faire un deux-roues véloce sur la route tout en conservant ses aptitudes off-road ? C'est ce que nous allons vérifier dans cet article.
Aux origines du Big RR 5.3, un VTT pour s'initier aux roues de 29"
Le Big RR 5.3 est un ancien modèle de VTT, que les magasins Décathlon proposaient en 2012. A cette époque, le format 29" cohabitait avec les roues de 26" dans le domaine du tout-terrain, mais ces dernières restaient très majoritaires sur le marché, tandis que les premières montaient de plus en plus en puissance. C'est notamment par le haut de gamme que les grandes roues se sont mises à grignoter des parts de marché chez les grands constructeurs.
Dans les enseignes françaises de grande surface spécialisée, Décathlon en tête, mais aussi Intersport ou Go Sport, le format 29" était plus que confidentiel. Il faut dire que le 29" était davantage un format complémentaire au 26" qu'un remplaçant, tant ses qualités (vitesse, stabilité) s'obtiennent au prix de défauts (nervosité, relance, poids) que n'avaient pas les roues plus petites. Et il était inconcevable de proposer des 29" sans offrir une alternative 26" : les gammes devaient donc doubler pour proposer un format qui intéressait surtout les pratiquants intensifs. Pour ces enseignes plutôt grand public, le risque d'étoffer leur catalogue sans garantie d'un retour sur investissement était élevé, ce qui explique qu'elles étaient plutôt frileuses quant à l'idée d'introduire un nouveau format de roues.
Mais les nordistes de B'Twin y croient sérieusement et vont tenter de démocratiser les 29er, avec la gamme "Big".
Alors que les grandes marques ont répondu à un besoin exprimé par des VTTistes aguerris, B'Twin prend le problème par l'autre bout et tente de diffuser le 29" par le bas. Conformément au crédo habituel de la marquer de Décathlon, qui souhaite avant tout démocratiser les pratiques sportives, les premiers Big Rockrider seront donc les 5.1 et 5.3, destinés à un usage loisir-sport.
L'objectif est de mettre en avant les qualités que les roues de 29" peuvent apporter à un public de pratiquants occasionnels ou débutants, ce qui a du sens : ce format permet de poropser un confort et une stabilité accrus, ce qui est idéal pour des balades, avec un vélo très rassurant pour affronter les obstacles.
Et clairement, sur ces points, le contrat est bien plus que rempli. Le Big RR 5.3 est un VTT extrêmement confortable, et il gomme toutes les aspérités du terrain sans le moindre souci. Le pilote roule sur du velous et ne pourra qu'apprécier les sensatiosn très feutrées au guidon.
La position très haute donne confiance en descente, d'autant que, justement, le vélo ne bronche tellement pas quand on affronte des dénivelés négatifs qu'on en redemande.
Mais il paie ces qualités indéniables à un prix très fort : il est pataud, peu performant et manque cruellement de maniabilité. Son empattement très long, ainsi que ses bases à la valeur affreusement hallucinantes de 465mm ne l'aident pas.
Le Big RR 5.3 met donc réellement l'accent sur ce que recherche les VTTistes en balade ou en initiation en les amplifiant, quitte à sacrifier des qualités dynamiques, qui resteront alors l'apanage des 26", proposés en parallèle.
Les bases du projet
Ce rappel étant maintenant fait, on se pse une question : est-il possible de transformer en fusée ce VTT qui n'était pas prévu pour cela à la base ?
Pour pousser la logique le plus loin possible, nous allons donc essayer de maximiser ses capacités sur les terrains roulants sans ôter son esprit VTT. Le choix est donc fait de l'alléger avec une fourche rigide et d'opter pour des pneus fins. On en fait donc une sorte de gravel, mais sur la base d'un VTT.
Il est assez difficile de trouver des fourches rigides abordables sur les sites des marchands européens. Nous optons donc sur un célèbre site de vente chinois, sur lequel nous trouvons un modèle de marque Toseek en carbone.
Celui-ci affiche 680g sur la balance, et permet de gagner plus de 1600g sur la Suntour XCR d'origine.
Les roues d'origine ne souffrent pas de critique, mais avec un poids à peine dans la moyenne et une rigidité correcte sans plus, on se dit qu'il est possible d'optimiser ce poste, et on opte pour un montage de jantes Mavic XC119 autour de moyeux Shimano Alivio et surmontées de pneus de gravel Schwalbe G-One All Round, en 622x40c et à tringles souples.
La transmission d'origine passe également à la trappe. Fini l'ensemble 3x9 vitesses avec un étrange mélange de groupe SRAM X5 avec un pédalier Suntour XCT et un dérailleur Shimano Tourney plus adaptés à une chaîne 6-7-8 vitesses, place à une transmission SRAM Gx 1x11.
Le boîter de pédalier GXP participe grandement à l'allègement, avec la suppression du dérailleur avant et de la manette gauche.
On opte pour un plateau de 38 dents, dans la mesure où ce vélo sera davantage amené à affronter les voies et chemins roulants que des côtes forestières ou montagneuses : celui-ci vient très près de la base, et indique qu'un plateau plus grand ne serait pas adapté.
L'ensemble est pesé, pédales automatiques comprises, à 11,9kg, alors que le Big RR 5.3 affichait près de 15kg en sortie de magasin. Pas mal !
Et avec 4kg de gagnés sur la balance, a-t-on transformé ce Big Rockrider en bête de course ? Eh bien, le sentiment est plutôt mitigé...
Il y a bien du mieux, et il est clair que le dynamisme est amélioré. Mais le résultat reste plutôt décevant : on attendait bien plus d'un tel régime amincissant accompagné de pneus roulants. Car malgré le poids relativement flatteur, il y a un manque très flagrant de nervosité, et ses relances sont quelconques. Et c'est d'autant plus une déception quand on sait à quel point gagner plus d'un kilogramme sur la fourche dynamise un vélo, à quel point l'allègement des roues et des pneus donne des ailes, et à quel point un pédalier plus léger et plus rigide peut favoriser le rendement : on a fait chacune de ces trois opérations séparément sur des vélos par le passé pour en constater les bénéfices, et on s'attendait à ce que l'association des trois fasse des étincelles. Ça en fait, mais pas au niveau espéré.
Ce n'est pas vraiment pénalisant dans une utilisation "relax", car malgré tout, il faut reconnaître que ce Big RR 5.3 ainsi transformé ne démotive plus à l'idée de réaliser des longs trajets en un minimum de temps. Mais dans une situation où on cherche à ne pas céder des secondes au chrono, par exemple en vélotaf ou sur des sorties engagées, il est assez embêtant de constater qu'on perd un temps précieux à chaque fois qu'il faut remettre un coup de pédale. Sur un trajet urbain en région parisienne de 17,5km, par exemple, en passant par des côtes, un peu de bois, et des pistes cyclables pas toujours lisses, on note plus de 4 minutes de trajet en plus par rapport à un VTT 26" rigide doté d'un développement similaire.
Pour le coup, le coupable est tout trouvé : la géométrie très orientée confort et stabilité est donc tellement pénalisante pour les performances que même un allègement ne suffit pas à compenser les bases très longues. Dommage...
Malgré la sévérité de cette analyse, il serait cruel d'enfoncer le Big RR 5.3, car les modifications apportées confirment largement les qualités autour desquelles il a été conçu. Ainsi, la stabilité et la sécurité offerte par son côté rassurant demeurent. Mais surtout, son confort reste incroyable... alors même qu'il dispose d'une fourche rigide !
On ne va pas aller jusqu'à dire qu'il absorbe aussi bien les irrégularités que lorsqu'il était équipé de la Suntour XCR, mais il filtre admirablement les chemins cabossés ! Le carbone de la fourche y est pour quelque chose, mais ça reste impressionnant venant d'un vélo 100% rigide.
Pour conclure : le Big RR 5.3, un pur VTT de loisir
La conclusion de ce projet est aussi simple qu'il peut être cruel envers ce Big Rockrider 5.3 : non, il n'est pas possible d'en faire un vélo typé gravel, capable de filer comme le vent sur la route. En tout cas, ce n'est pas possible en ayant un objectif d'efficacité : sa géométrie, trop typé confort et stabilité, est un handicap bien trop grand pour une recherche de performance que ne peuvent pas rattraper les périphériques.
Mais il serait sévère de s'arrêter à cette morale peu glorieuse, car au final, cela montre surtout que l'ex-29er d'entrée de gamme de B'Twin est véritablement un VTT de loisir et de balade à user sans modération pour profiter du paysage. Il a été conçu pour ce rôle et pour cet usage précis, et le posséder est la garantie de pouvoir effectuer des balades dans toutes les conditions.
Ce que cela veut dire, c'est que modifier un tel vélo n'est pas dénué de sens, mais tout dépend de l'utilisation que l'on souhaite en faire ensuite. Le projet d'origine consistait à essayer d'en faire un vélo véloce et efficace sur route tout en conservant des capacités off-road : c'est cet objectif qui n'a pu être atteint.
Or, notre Big Rockrider 5.3 s'épanouit davantage dans les promenades où on prendra le temps de profiter du paysage et du moment, et avec les nouvelles capacités roulantes que lui offrent ces modifications, il devient plus à l'aise sur une pratique de type cyclo-tourisme par exemple.
Bref, ce 29er du Nord ne sera jamais plus intéressant que lorsqu'il est utilisé dans les chemins escarpés à rythme peu soutenu.